Le pouce levé, les cheveux dans le vent, Bethzy se tient bien droite sur le rebord de la route, les yeux rivés vers l’horizon. Il fait chaud, bien plus qu’en Angleterre. Elle n’est pas encore habituée aux températures d’Italie.
Une lueur d’espoir lui décroche un sourire. La voiture s’arrête et elle offre au conducteur un ‘bongiorno’ plutôt comique. Elle monte sans une once de remord, sans se poser la moindre question. L’aventure, c’est prendre des risques.
Il la conduit jusqu’à la prochaine ville et Bethzy se détend sur le siège en cuir, une main dans ses boucles brunes, une cigarette entre les lèvres. Ce voyage, elle en a rêvé depuis tellement longtemps et aujourd’hui, tout lui semble plus parfait que dans son imagination. Personne ne sait lui dire de quoi seront fait ses lendemains, ni même où elle posera ses bagages la semaine d’après. Tout n’est qu’aventure et découverte, rencontre et expérience. Pour la première fois depuis longtemps, elle ne regrette pas d’avoir quitté sa terre natale.
Une chanson qu’elle connait bien passe à la radio et son cœur s’emballe. Il lui manque, atrocement. Il ne se passe pas un jour sans qu’elle ne pense à lui, à son sourire en coin, à son ambition sans faille, à ce pouvoir qu’il avait pour la rendre plus sereine et moins maladroite. Jamais quelqu’un n’avait eu un tel impacte sur sa manière d’être. Personne, sauf Louis.
Il l’avait suivi, indirectement, durant son périple à travers l’Europe. A chaque étape, Bethzy avait emporté l’un de ses livres. Tous les soirs, elle avait lu avec attention chacun de ses mots, en l’imaginant au-dessus d’elle, un bras autour de ses épaules. En fermant les yeux, c’était comme s’il était là, veillant sur elle comme l’aurait fait un frère. Louis était son seul regret et sa présence lui manquait un peu plus chaque jour.

Les minutes passent trop lentement et Bethzy ne cesse de jeter des coups d’œil furtif à son portable. Ses mains tremblent un peu et elle s’assoit sur le carrelage froid de la salle de bain. Ses bras viennent entourer ses jambes et elle pose le menton sur ses genoux en attendant d’être fixée.
Aucune larme ne quitte ses yeux et l’envie de pleurer n’apparaît pas, à sa plus grande surprise. Pourtant, un sentiment de peur s’installe doucement en elle, comme un poison aux effets paralysants. Elle allume à nouveau son portable et sa respiration s’arrête une seconde en voyant l’heure.
Bethzy ne bouge pas, mais elle sent comme une brûlure sur sa main droite, là où ses doigts tiennent fermement le bâtonnet qui décidera de son avenir. Elle n’ose pas le lever devant ses yeux, de peur d’y voir ce qu’elle redoute le plus. Un élan de courage lui fait cependant élever le bras et ses pires craintes naissent en l’espace d’un instant.
Bethzy Abernathy, jeune femme sans emploi ni domicile fixe, est enceinte. Bethzy, cette fille qui vivait d’aventures et de voyage, porte en elle un enfant. Impossible.
Paniquée, la brune se redresse et rejoint la chambre à coucher sur la pointe des pieds. Elle observe un bref moment l’homme endormi entre les draps blancs du lit. Le réveiller lui semble être une très mauvaise idée et elle s’efforce de faire le moins de bruit possible en rassemblant ses affaires à la va-vite.
Pantalon et blouse enfilés, Bethzy s’enfuit presque de la maison sans un au revoir, ni même un regard derrière soi. Elle file à toute vitesse, sans pour autant avoir une direction en tête. Ses pas l’emmènent au centre-ville, bondé à cette heure de la journée. Elle s’installe sur un banc et vient poser une main contre son ventre. Dire que dans quelques mois, elle pourra y sentir des mouvements. Elle a encore du mal à réaliser.

— Trente-trois livres, ma jolie, déclare le conducteur en éteignant le moteur. Une grimace se dessine sur son visage alors qu’elle lui tend les quelques billets qu’il lui reste, symbole de sa misère. Bethzy sort du taxi et s’étire un peu, fatiguée du voyage. Ça n’aurait certainement pas été le cas, il y a de cela un mois.
Tirant une valise derrière elle, la jeune femme lève les yeux sur l’immeuble lui faisant face. Elle n’hésite pas une seconde à gravir les marches qui la séparent de sa destination – l’idée de prendre l’ascenseur ne lui vient pas, même si elle en aurait bien eu besoin. Essoufflée, la brune s’arrête devant une porte et sa main se pose sur le bois. Pendant une seconde, qui lui semble être une éternité, elle pèse le pour et le contre. Cela fait des années qu’ils ne se sont pas vus, ni même parlés. Pourtant, Bethzy connait tous de lui, ou du moins, ce qu’elle a pu comprendre à travers ses livres. Il ne l’a jamais quitté, durant ses voyages à travers l’Europe. A chaque étape, elle emportait les pages qu’il avait écrites, comme un compagnon de route silencieux et étrangement sécurisant.
Elle ne s’imagine pas un rejet de sa part, même si une petite voix lui avoue que ce serait bien possible, après les au revoir qu’ils ont partagé avant son grand départ. Inspiration. Expiration. Et elle toque, munie de son sourire habituel et de sa bonne humeur, voile cachant la véritable raison de son retour aux sources.
La porte s’ouvre, ses mains tremblent d’une excitation inattendue. — Salut, Louis, lance-t-elle sans attendre. Que c’est bon d’être à la maison.

Bethzy Abernathy a écrit:

merci beaucoup, je te retourne le compliment il nous faudra un lien, entre futures mères