✰ l'absence est ennemie de l'amour « Elyaz. Je ne sais pas par où commencer, tu dois bien avoir grandi maintenant. C’est difficile pour moi de me projeter aussi loin et de trouver les mots juste à t’écrire sans savoir ce qu’est ta vie à présent. Mais je suppose qu’il ne doit pas y en avoir, de mots juste. Pas dans notre cas. J’espère que tu auras trouvé cette famille que je désirais tant pour toi mais que je n’aurais jamais pu t’offrir. Les temps sont bien trop compliqués et je suis bien trop jeune pour t’offrir une existence décente. Prendre cette décision sera certainement la chose la plus dure que je serais amenée à faire mais elle est nécessaire. Pour toi, pour que tu puisse grandir à l’abris du besoin, recevoir une éducation digne de son nom et devenir l’homme formidable que je suis persuadée, tu seras un jour.  Je ne te demande pas de comprendre les raisons pour lesquelles j’ai décidé de te confier à de meilleures mains même si j’espère, encore une fois, que tu auras la sagesse de prendre conscience de la nécessité de mes actes. Tu me manqueras, tous les jours, comme tu me manque déjà alors que je peux encore entendre ton rire  amusé qui découvre le monde pendant que je t’écris cette lettre. C’est l’orphelinat qui m’a conseillée de coucher sur papier ces quelques paroles que tu n’entendras jamais de ma bouche.   Sache que je t’aime, Elyaz, que ce sera à jamais le cas et que j’ai essayé, tellement fort, de subvenir à tes besoins durant ces sept premiers mois depuis ta naissance. Ait la vie que tu veux, poursuis tes rêves coûte que coûte, ne baisse jamais les bras et sois un bon garçon, je suis certaine que tu peux le faire, et même si ce n’est pas pour moi, fais le pour quelqu’un. Parce qu’il y aura toujours quelqu’un prêt à te soutenir dans les moments les plus difficiles. Et n’oublie pas de profiter de chaque journée un peu plus que la précédente, c’est tout ce que je peux te conseiller. Tu resteras à jamais dans mon coeur. Soit heureux, maman. » T’as relu cette lettre tous les jours jusqu’à ce que tu sois assez grand pour la comprendre mais ça a pas suffit à annihiler le mal qui avait été fait. La rancune qui s’était ancrée au plus profond de ta chaire alors t’as finis par allumer ton briquet et t’y as mis le feu. Anéanties les belles paroles, disparues les promesses implicites d’une vie meilleure qui ne viendrait sans doute jamais. On avait cru bon te donner cette lettre avant ton départ pour le foyer mais c’était là tout le problème : on avait toujours cru bon à tort quand ça te concernait.  Et au lieu de te redonner un peu d’espoir, ces pauvres mots n’avaient servi qu’à faire tout le contraire. Parce que, non, tu ne comprenais pas en quoi ton existence aurait pu être plus belle loin de la femme qui t’avais donné la vie. Mais c'était facile à dire, quand on menait une vie qu'on aurait largement préféré léguer à un autre.

✰ ce n'est pas en tournant le dos aux choses qu'on leur fait face T'as même pas eu le temps de fêter ta majorité avec les autres ados du foyer qu'on t'as mis à la porte comme on jette les poubelles. Sans remords et sans regard en arrière. C'est comme ça que tu t'es retrouvé seul avec toi même dans les rues de Poznan mais ça t'as rien fait. Tu l'attendais ce jour, des plans de futurs en tête et maintenant que t'y es, tu te rends compte que la ville à rien t'offrir. Que sans diplôme et sans argent, t'es foutu. Alors tu met ton sac sur ton épaule, prend ton skate sous le bras, t'allume une clope et tu rejoins la station de bus quelques pâtés de maison plus loin. « Où tu vas petit gars ? » Le chauffeur a la voix grasse et des cernes sur les yeux mais tu passes outre : tu dois pas avoir plus fier allure que lui en un sens. « Warszawa. Mais j'ai pas d'argent m'sieur. » Il te détaille des pieds à la tête et t'indique d'un geste de tête de te trouver une place. Tu lui fais pitié avec ta dégaine et les vieilles fringues que le foyer t'as laissé t'acheter y'a trois mois. Tu déteste ça mais tu dis rien et pars t'assoir dans le fond, là où tu seras certainement tranquille le temps du trajet. Le car démarre dans un vacarme qui t'agresse les oreilles et tu ferme les yeux. T'as jamais aimé monter dans ce genre d'engin, ça t'as toujours rendu malade à crever. « Terminus Varsovie, temps estimé, 3h30. » Tu pousse un soupire sous les paroles du conducteur et tant bien que mal, tu retiens un haut le coeur tandis que le bus s'engage sur l'autoroute vers ton avenir. Inconsciemment, tu te prend à ressasser ces dernières années, tu repense aux visages qui ont rythmé ta vie, à la lettre de ta mère et tu cherche où t’as bien pu merder pour en arriver là. Et la seule réponse qui te viens, claire et sans appel, c’est ta génitrice. Parce que t’as beau avoir pris en maturité, tu cesseras sans doute jamais de lui en vouloir de pas t’avoir laissé ta chance de lui prouver que t’en valais la peine. Que t’étais plus fort que quelques obstacles en travers de votre route. Mais elle t’as pas accordé la seule chose que tu lui aurais demandé, elle t’as pas laissé le temps de faire tes preuves et inconsciemment, tu te surprend à te dire qu’elle est peut-être entrain de penser à toi en ce moment même et ça te donne des frissons. Une main sur ton épaule te fais sursauter et t’ouvre brusquement les yeux pour te retrouver nez à nez avec le cinquantenaire qui t’as laissé monter dans son épave à Poznan. « On est arrivé gamin. » Déjà ? T'as pas vu le temps passer mais c'est tant mieux. D’un bref regard tu le remercie et tu t’empresse de quitter cet engin de la mort et ton bon samaritain pour respirer l’air pollué de la capitale Polonaise dans laquelle tu viens d’atterrir. C’est concret maintenant : y’a plus que toi et ta destinée incertaine qui te nargue.

✰ l'amour est immense, pas infini Son regard fixé sur toi te gêne et t’essaye de te concentrer sur autre chose que ses yeux qui brulent ta peau. T’es pas fier de ce que tu fais mais te déssaper pour une foule de pervers, ça rapporte pas mal et c’est non négligeable pour un type de ta condition. L’homme se lève et tu peux pas t’empêcher de te mettre à le détailler tandis qu’il glisse un billet dans ton boxer. Le contact te fais frissonner et ça te surprend de remarquer qu’il doit pas être beaucoup plus vieux que toi. Étrangement, ça te fais chier de te dire qu’il doit pas avoir une belle image de toi. Après tout, c’est rien qu’un inconnu venu se rincer l’oeil dans un club gay et si t’avais pas eu cette place sur scène, c’est toi qui aurait eu le droit d’avoir des pensées peu avantageantes envers lui. Mais manque de bol, t’étais là à te déhancher en priant pour que ça prenne fin le plus vite possible et que tu puisse te barrer loin de cet endroit de malheur. Tu te sens pas à ta place ici. T’es trop jeune, trop réservé pour ce métier mais t’as un corps pas trop moche à reluquer et c’est tout ce qui compte. La chanson se termine et tu t’empresse de retourner au vestiaire pour retrouver tes fringues et un minimum de décence. Quand tu ressors, l’inconnu a disparu et ça te déçoit un peu parce qu’il t’as quand même pas mal intrigué ce con. Le froid extérieur te fait frémir après la chaleur ardente qui règle dans la bâtisse et tu te dis que tu vas finir par chopper la crève un de ses jours. Tu loges une cigarette entre tes lèvres, ignorant les remarques déplacées des quelques badauds qui ont un peu trop abusé de l’alcool puis tu fourres tes mains dans les poches de ton jean à la recherche de ton briquet qui n’est clairement pas là ce qui te fait pousser un juron. « Je t’allume ? » T’arque un sourcil face à la proposition implicite et tu t’apprêtes à envoyer balader le pauvre type qui a osé te dire ça mais ton regard se pose sur la silhouette masculine qui t’as glissé un gros billet un peu plus tôt. Vos yeux s’accrochent et il approche la flamme de la tige fixée à ta bouche. Tu laisse la fumée s’infiltrer dans ta bouche puis tes poumons, profitant de la sensation un court moment. « Merci. » Il te susurre un pas de quoi à l’oreille et tu remarque tout juste qu’il est presque collé à toi. La proximité te dérange mais son trop plein de charisme retient la réflexion qui te démange le bout de la langue. « Stripteaseur, hein ? C’est marrant, ça a pas l’air ton genre quand t’as des vêtements sur le dos. » Tu l’observe rapidement, tu l’analyse sans gêne pour une fois et ça te saute aux yeux maintenant que ce mec pue le fric à plein nez.  « Et ce serait quoi mon genre ? » T’as l’air malicieux de quelqu’un qui cherche plus qu’une simple joute verbale et il en perd pas une miette. Tu te reconnais pas. Généralement, t’es plus vierge effarouchée que racoleuse, c’est ça ton genre mais il a un effet sur toi que t’arrive pas à t’expliquer. Et le pire c’est que ça te plait. « J’en sais rien, mais on pourrait peut-être approfondir la question tous les deux dans un endroit plus calme, qu’est-ce que t’en pense ? » Apparemment, tu lui fais de l’effet aussi et ça booste quand même pas mal ton égo alors t’accepte tandis que ta clope consumée s’écrase sur le sol de Varsovie. A ce moment même, t'as pas conscience que cet inconnu à l'accent anglais, sorti de nulle part, viens de foutre un bordel monstre dans ta vie. Parce que si t'avais su, tu te serais contenté de rentrer docilement chez toi. Seul.

✰ il n'est point de bonheur sans liberté, ni de liberté sans courage Et t’as finis par le prendre à deux mains, ton courage. Parce que tu viens d’avoir vingt ans, que t’es amoureux et qu’il y’a pas grand chose d’autre qui compte. Ta libération, elle a commencée quand t’as quitté ce job auquel t’as jamais réussi à t’habituer. Et elle a continuée quand tu t’es retrouvé avec un billet d’avion pour l’Angleterre entre les mains. Assis dans la salle d’attente de l’aéroport, tu trépigne d’impatience. T’as jamais aimé attendre et t’es trop pressé de voir la tête de celui qui a fait chavirer ton coeur quand tu débarqueras devant sa porte. Parce que, ouais, même s’il t’as plus donné signe de vie, t’es persuadé qu’il t’attend, qu’il est surement trop occupé par ses obligations pour se manifester, naïf comme t’es. Après tout, pourquoi il t’aurais donné ses coordonnées si c’était pas pour que tu le rejoignes, hein ? Le haut parleur annonce ton vol et, sans regard en arrière, tu t’engage dans le sas d’embarquement en direction de ta nouvelle vie. Et tu sais qu’elle sera meilleure, parce qu’elle peut pas être pire de toute façon. Tu t’es senti revivre, sans réellement pouvoir l’expliquer, quand l’avion a atterri quelques heures plus tard. T’as juste pris le temps de récupérer ton peu d’affaires avant de prendre la direction de Brighton, une adresse maladroitement écrite sur un bout de papier, entre les doigts. Ça y est, t’allais le revoir, goûter de nouveau à ses lèvres et ça, ça te rendais heureux comme jamais tu l’avais été auparavant. Mais tu peux pas te douter de ce qui t’attend là bas alors tu souris, comme un con, des projets plein la tête. T’es à peine trois ou quatre maisons au dessus quand tu le vois sortir et vos regards se croisent, s’accrochent de nouveau. Merde ce que tu te sens bien à cet instant. Tu fais mine de t’approcher. T’as pas vu cette lueur de peur dans ses yeux, t’es bien trop aveuglé par tes sentiments pour ça. Puis tu t’arrête, net. Tu l’avais pas venue venir celle-là, cette fille qui sors de sa maison et vient se pendre à son cou. Elle l’embrasse. Ça te donne envie de gerber mais toi, tu reste con, ahuri, déçu et le coeur qui se fissure un peu plus quand tu remarque l’anneau passé à son annulaire. Alors ça n’avait été que ça ? Du vent ? Du coin de l’oeil, il cherche ta réaction qui ne vient pas et t’as juste envie de pleurer, comme le gamin idiot qui s’était fait mené par la baguette que tu es. Mais pas devant lui. Alors tu sors le peu de fierté que t’as pas, ravale ta tristesse et tu t’enfuis. Comme un lâche. Comme un enfant aux sentiments brisés. Et quand t’as tourné au bout de sa rue, t’as pas pu retenir tes larmes plus longtemps. Tu sais pas comment t’as finis par te retrouver sur la jetée, la vue brouillée. Tu te déteste. D’être si fragile malgré les apparences, d’être top naïf. D’y avoir cru. Mais aussi difficile à croire, t’as eu de la chance dans ton malheur parce que c’est comme ça que tu l’as rencontrée, elle, cette jeune anglaise emphatique qui a tari tes pleurs. Vous avez parlé pendant des heures et sans savoir pourquoi, tu lui as tout raconté, tu t’es confié sans la connaitre et c’est ça qui t’as donné la parole facile, à toi qui garde toujours tout pour toi. Puis elle t’as pris la main, doucement mais assez fermement pour que tu te sente obligé de la suivre, et t’as emmené dans un appartement. Son appartement. Celui qui allait aussi devenir le tiens parce que ta route venait de croiser celle de la personne qui allait devenir ta meilleure amie.

Elyaz Czajkowski a écrit:

reza - ça dépend, tu paye combien ? :héhé:
j'adore ton pseudo au passage

Je suis choquée    Et t'en fais quoi de la solidarité des enfants de l'est, hein, hein ? Enfin au pire ça peut se régler par une petite séquestration, vite fait bien fait
Sinon ton pseudo gère trop la fougère aussi