salut babe, t'es sûrement en train d'arnaquer un pauvre type en ce moment, mais dès que t'as un moment ramènes donc tes belles fesses à brighton prier, j'ai besoin de te voir. T'écoutes ton unique message vocal pour la troisième fois, en chemin vers votre lieu de rencontre. Et quiconque t'observe à cet instant précis, avec ce sourire niais accroché au visage, s'imagine probablement que tu viens de recevoir la confirmation d'un boulot de rêve, un mot d'amour de ta petite femme ou l'annonce d'un gain considérable au loto. Et pourtant, ce n'est que Charlie qui te traite de sale type. Mais retrouver Charlie c'est encore mieux que tout c'que ces gens peuvent concevoir. Charlie c'est celle qui t'a sauvé de la routine de la communauté, de cette cage rouillée dans laquelle tu t'sens prisonnier. Charlie c'est celle qui a su t'écouter pendant des heures déblatérer tes conneries, tes banalités dont tout le monde se fout éperdument. Charlie c'est celle qui a pardonné tous tes travers avec un sourire, sans jamais te juger. Et des gens comme ça, t'en connais pas d'autre. C'est pour ça que t'arrive sur place presque en trottinant comme un bisounours sur son arc-en-ciel, scrutant les visiteurs du parc depuis l'entrée après avoir subtilisé un petit cadeau pour ta licorne. Il ne te faut pas plus de dix secondes pour la repérer, te tournant le dos debout près de la fontaine. Ces cheveux longs aux reflets auburn. Cette silhouette de mannequin. Ta Charlie, tu la reconnaîtrais entre mille. Aussi tu te rues vers elle sans la moindre retenue, entourant son cou de tes bras en lui collant ta barbe à papa dans l’nez. « Chaarrrliiieee. » Tu lâches près de son oreille, un peu trop fort, en adoptant la voix de la licorne rose dans Charlie the unicorn –c’était ton délire, de squatter son ordi pour regarder cette merde quand vous étiez à Londres-. « Un bisou ? » Et tu tends la joue, un sourire de débile fixé sur les lèvres. Sauf qu’au lieu de susciter l’excitation, tu récoltes un coup de tête pendant que ta proie s’affole violemment pour se dégager de ton étreinte. Tu t’recules alors, surpris, pour constater que t’es face à une parfaite inconnue horrifiée de ta subite agression. Eh merde, quel con. « Ça va pas non, espèce de barge ? » Elle crie presque avant de se tirer en remettant sa veste en place. Bon ok, peut-être pas entre mille. Même pas entre dix, en fait. Mais faut dire que son rancard il est carrément bancal, ça manque sérieusement de précisions quant au point de rendez-vous. Tu perçois quelques regards insistants qui vérifient probablement que tu n’es pas un pervers venu tripoter la première venue, aussi tu lèves les bras comme un type braqué par un flingue. « C'est le bébé ça. Les hormones tout ça, vous savez … » Du coup tu fais semblant de suivre ta petite femme enceinte sur quelques mètres, histoire d'éloigner les curieux, avant de te planter devant un vendeur de ballons à hélium. Libérez, bob l'éponge. Mais t’as beau chercher Charlie est introuvable, et faut le dire, t’as jamais été du genre patient. Aussi t’es sur le point de hurler le prénom de ton amie sans te soucier de lui causer la honte de sa vie, quand tu le distingues au milieu de la foule. Ce chapeau posé sur la tête d’une coupe à la garçonne. Tu l’identifies facilement comme appartenant à la jeune Peters, parce que c’est toi qui lui avais généreusement offert pour son anniversaire. C’est vrai, tu ne te l’étais pas procuré d’une honorable façon mais après tout, tu leur rendais service en mettant en lumière les défaillances de leur système de sécurité. Cette fois tu t’avances avec plus de prudence, t’asseyant discrètement à côté d’elle avant de la scruter avec autant d’insistance qu’un gamin devant une barre de chocolat. « Wow merde, t’as fait quoi à tes cheveux ? » Tu t’exclames en tendant tes doigts vers quelques mèches châtains que tu tires doucement. Ça lui va bien en fait, c'est plutôt joli. Mais tu comprends mieux pourquoi t'as autant galérer à la retrouver. Et puis sans attendre sa réponse, tu lui présentes fièrement la sucrerie rose. « Tiens, j'ai piqué une barbe à papa à un gosse qui chouinait pour toi. » Ouais ouais tu sais, t'es vraiment un type bien. « Non je déconne. » Tu t'mets à rire avant de reprendre un air sérieux. « Il chouinait pas. » En vérité ce n'était pas un gosse non plus, t'as des principes tout d'même. Puis tu t'mets à sourire de nouveau, sans raison, parce que t'es juste super content de la retrouver, ta Charlie. Mon dieu, elle t'avait gravement manqué. « Franchement t'as eu du bol j'avais un trou dans mon emploi du temps surchargé. A 17 heures j'ai la réunion des narcotiques anonymes, Julie a dit qu'elle allait apporter des muffins. » Tu la taquines, parce que t'as pas trop l'intention de te décoller d'elle pour des muffins. Enfin pas ceux de Julie, en vérité ils sont dégueulasses.