l'eau claire ; comme le sel des larmes d'enfance
Enfance brisée, perdue, envolée trop tôt. C'est son endroit favori au gamin, le lac. Il y vient souvent, dès que l'envie de jeter ses peines à l'eau lui prend. Une peine est égale à un caillou, plus ou moins gros, qu'il balance à l'eau, silencieux, où seul le bruit de la pierre qui s'échoue dans l'eau étrangement turquoise résonne. « Trey ! » Il sursaute un peu, ça fait aussi sauter ses bouclettes blondes. Quand il se retourne, son regard noir, si noir que l'on dit qu'il est possible d'y perdre son âme si on le regarde un peu trop longtemps dans les yeux, se pose sur son frère, Kit, qui semble heureux pour une fois, pas énervé, juste heureux, avec les trois valises qu'il porte. « On se casse, Trey. Je te prends avec moi et on se tire. Promis, les vieux te feront plus chier. » Il comprend pas le gosse, il est trop jeune pour comprendre ce qu'il veut dire, Kit. « Tu veux dire qu'ils crieront plus ? » Kit sourit et un éclair, traduisant l'espoir, traverse les yeux sombres de Trey. Alors il lance un dernier caillou et se lève, attrape la main de son grand-frère, majeur depuis peu, qui a toujours veillé sur Trey. Toujours.
Ils sont partis un jour, sans rien dire à personne. Disparus de Plymouth à tout jamais.

j'ai ravalé mes rêves avec soin
« Casse-toi ! Prend ta came à la con et tire-toi d'ici Trey ! Je veux plus te voir putain, tu me dégoûte ! » Des larmes sur ses joues, sur leurs joues, aux deux frères. Trey voudrait parler, mais rien ne sort. C'est pas pour lui, pas entièrement. Il consomme pas, peu. Il refile, se fait un peu de fric. Ça devait pas arriver. Kit devait pas entrer dans sa chambre, il devait pas trouver la cocaïne. Trey ne prend pas la peine d'essuyer ses larmes, il a pas honte de pleurer, il ramasse les affaires que Kit lui lance sur le pas de la porte, il fourre tout dans le sac qu'il lui a jeté aussi, en même temps que lui. « Tu t'es bien foutu de ma gueule, Trey ! T'es qu'un sale con, pas mieux que papa ! » Il le regarde. Il regarde Kit et sa rage impressionnante. Quelques voisins assistent au spectacle, certains n'en reviennent pas, d'autres se régalent des futurs potins qu'ils pourront annoncer à tout le quartier. « Mais Kit écou... » « Ta gueule. Barre-toi avant que je te refasse le portait. » Il ne crie plus. Il se contente de l'avertir. Il sait qu'il est sérieux. Iil sait que son grand-frère n'hésitera pas à le frapper de toute ses forces s'il ne s'en va pas. Alors, il part, il veut pas, mais il a pas le choix. Iil peut s'en prendre qu'à lui, qu'à sa connerie d'avoir dit oui lorsqu'on lui a proposé de dealer un peu, pas souvent, juste pour aider. Trey ne se retourne pas pour regarder Kit, il a trop honte. Trop honte d'avoir abusé de la confiance aveugle de son frère quand il lui disait qu'il allait travailler, alors qu'il partait dans les ruelles de Brighton pour rencontrer camés et compagnie.